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Soutenance de thèse de Magdalini Aktypi – Lettres et arts spécialité littérature générale et comparée

Soutenance / Centre ISA, Recherche

Le 21 avril 2023

Saint-Martin-d'Hères - Domaine universitaire

Surrounded poetry : écrire au milieu

Résumé

« Surrounded poetry : écrire au milieu » est une thèse de recherche et création qui explore et expérimente les possibilités d’une solidarité et d’une entente profondes entre l’art, la poésie, la performance et les problèmes écologiques qui menacent, depuis quelque temps et de façon croissante, les êtres vivants et vibrants de l’écorce terrestre. La thèse adopte une approche à la fois poétique et intersectionnelle pour regarder de plus près les possibilités d’une pratique artistique qui soit dans le monde et dans les luttes sans perdre de vue les méthodologies qui lui sont propres. Il s’agit de proposer une écologie des mots. 

Sans illusion, anthropocentrisme ou nostalgie, un poème chercherait à tisser, via les mots et les sensations, les liens avec les êtres vivants humains et plus-qu’-humains exactement là où la proximité a cessé d’exister entre eux. La thèse reprend, en effet, la théorie du philosophe et prestidigitateur David Abram selon laquelle l’arrivée de l’écriture vocalique, en piégeant l’air dans les voyelles et en créant sa propre magie synesthésique, a éloigné les lecteurs du monde animé, qui est devenu muet, si ce n’est inerte, à leurs yeux. Les recherches menées pour cette thèse ont comme objectif de contribuer, par les modestes moyens qui sont les leurs, à une graduelle décolonisation de l’écriture. Un poème est donc perçu comme une disposition, c’est-à-dire une envie et un besoin d’apprendre à reconnaître et à relier ce qui a été exclu par le monde anthropocentré. Il ne s’agit pas d’un retour en arrière, qui serait de toute manière ni souhaitable ni possible, mais d’une résistance contre ce que Rachel Carson appelait déjà au début des années 1960 des « biocides ». L’invention, d’ailleurs, par Carson du mot « biocide », forgé pour remplacer le mot-camouflage « pesticides » qu’employait l’industrie pharmaceutique, rend tout à fait tangible la force dont disposent les mots pour faire voir sous une lumière nouvelle la véritable nature d’une situation tout comme le mot « pesticide » renseigne sur leur tout aussi grande capacité à la camoufler. Les mots que l’on choisit jouent un rôle décisif sur notre attitude et sur notre rapport au monde animé, sur nos relations avec les autres habitantes et habitants de la planète. Ce sont des armes de résistance et de compréhension. En rapport avec cette puissance transformatrice du langage, la thèse prend trois chemins. Le premier concerne une compréhension et une pratique « trans*langues » de la poésie selon laquelle dans chaque mot humain se trouvent mobilisés plusieurs langages, humains et plus-qu’-humains : langages animaux et végétaux, corporels, historiques et culturels, langage des rêves, des morts et des maladies sont quelques exemples de cette écologie langagière qui ouvre et connecte la langue humaine au monde animé, à tout ce que cette langue était supposée exclure. Le deuxième chemin coïncide avec le titre de la thèse, c’est Surrounded poetry, la poésie entourée. Celle-ci sait qu’elle ne se fait jamais de façon isolée. Les poèmes se font toujours avec les autres, que ces autres soient des environnements techniques complexes comme l’Internet ou des êtres vivants ou bien nos morts. Le troisième chemin se matérialise avec les pratiques du « et », qui sont, en effet, désirantes. C’est un désir de conjugaison que le leur, à la fois des corps et des mots, les uns via les autres, et grâce aux autres. Autrement dit, pratiquer le « et » c’est tout d’abord chercher comment se conjuguer avec le monde. L’énergie et la force réunissant ces trois chemins ou approches, qui, dans la structuration de la thèse fonctionnent comme autant de « branchages », c’est Éros. Non pas le dieu binaire qui s’occupe de la vie des couples, mais Éros primordial, tel qu’il apparaît dans la Théogonie. C’est un Éros d’avant le féminin et le masculin, qui, avec Gaïa et Chaos, embrasse tout et engendre la vie et le cosmos. Éros c’est l’ouverture imprudente des corps à l’être, au simple fait d’être en vie.

Composition du jury

  • Isabelle KRZYWKOWSKI (Professeure, Université Grenoble Alpes, Directrice de thèse)
  • Vincent BROQUA (Professeur, Université Paris 8 - Vincennes, Rapporteur)
  • Androula MICHAEL-SUEUR (Maîtresse de conférences HDR, Université de Picardie - Jules Verne, Rapporteure)
  • Jean-Pierre BOBILLOT (Professeur émérite, Université Grenoble Alpes, Examinateur)
  • Yves CITTON (Professeur, Université Paris 8 - Vincennes, Examinateur)
  • Apostolos LAMPROPOULOS (Professeur, Université Bordeaux Montaigne, Examinateur)

Date

Le 21 avril 2023
Complément date

14h00

Localisation

Saint-Martin-d'Hères - Domaine universitaire

Complément lieu

Bâtiment Stendhal
Salle des Actes (aile Z, RdC)

Directrice de thèse

Isabelle KRZYWKOWSKI
Litt&Arts, centre ISA

Publié le 3 avril 2023

Mis à jour le 10 juillet 2023