Dans les archives de Monica Maurer : les recherches en cours d'Aude Fourel

Née en 1942 à Munich, Monica Maurer vit et travaille à Rome de longue date. Au début des années 1970, elle collabore avec Cesare Zavattini et l'Unitelefilm (maison de production du Parti Communiste Italien). Elle part filmer le Chili d'Allende, les ouvriers de l'usine d'horlogerie autogérée LIP à Besançon et les luttes kurdes de Turquie. Poussée par les mouvements de luttes transnationales, elle rejoint Beyrouth en 1977 pour apporter du matériel médical et découvre les infrastructures hospitalières du Croissant Rouge Palestinien. Entre fin 1977 et août 1982, Monica Maurer réalise six documentaires sur les aspects sociaux de la résistance palestinienne et documente de photographies près de quatre années de vie et de tournages. Présente à Beyrouth-Ouest lors du siège de l'armée israélienne en 1982, elle quitte le Liban après l'exode des combattants palestiniens.

Aujourd'hui Monica Maurer consacre son temps à la restauration des films et photographies des luttes qu'elle a filmées, consciente que l'archive, sauvegardée et mise à disposition, permet l'écriture d'une narration politique du présent. Nous avons initié ensemble un grand chantier de numérisation, catalogage et étude de ses archives, en grande partie conservées à domicile, pendant l'année 2021-2022 alors que j'étais pensionnaire à l'Académie de France à Rome – Villa Médicis, pour l'écriture d'un nouveau projet de film. Pendant près d'un an, nous avons travaillé chaque semaine à réveiller ses archives, en rangeant patiemment son appartement et en ouvrant des dizaines de boîtes en carton. En 2023-2024, je poursuis ce travail en tant que chercheuse invitée de l'École Française de Rome.

Aujourd'hui, nous avons numérisé la totalité de ses négatifs du Kurdistan turc ainsi que plus de mille cinq cent négatifs photographiques sur la lutte palestinienne à Beyrouth à la fin des années 1970, environ la moitié de ce qu'elle conserve dans des classeurs. Les archives de Monica Maurer sont un patrimoine d'une richesse rare car elles concernent des territoires et des temps de l'Histoire peu étudiés, voire privés d'images. Les négatifs des photographies au Liban documentent tout à la fois la période historique et les films de Monica Maurer. Il s'agit essentiellement de photographies de repérages qui racontent les tournages à venir, la vie dans les camps palestiniens, les réunions politiques, les bombardements et le fonctionnement des infrastructures médicales du Croissant Rouge Palestinien. Les archives sonores sont divisées en bandes Nagra et cassettes audio d'enregistrements de la radio Voices of Palestine, de musiques traditionnelles, d'interviews et de sons d'ambiance des films en cours.

Numériser ces archives, les diffuser et construire à partir d'elles une approche analytique permet d'envisager des perspectives historiques, politiques et cinématographiques à contretemps de l'Histoire dominante et d'ouvrir la voie à d'autres récits souvent contraints au silence.

Article rédigé par Aude Fourel