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É.CRI.RE

Présentation

Activités de recherche

Le projet d’É.CRI.RE s’articule autour de deux lignes, « Les nouveaux espaces du contemporain » et « Implications auctoriales », qui rompent avec certaines formes d’analyse de la création littéraire, sur le mode de la clôture textuelle ou de l’autonomie de champ, pour saisir les logiques de circulation et d’hybridation de la création, les interactions avec le discours social. C’est la vie de la création aux lisières du livre qu’il s’agit d’analyser, dans une crise de la représentation du livre comme espace unique de déploiement du littéraire.

L’équipe d’É.CRI.RE programme régulièrement des résidences et des rencontres avec des écrivains et se donne pour projet d’observer réflexivement cette place nouvelle de la création contemporaine au sein de l’université, dans les bibliothèques et les résidences, dans le sillage des travaux des sciences sociales (Gisèle Sapiro [dir.], Profession ? écrivain). Cette attention renouvelée permet de saisir notamment ce que cette présence accrue déplace dans les gestes critiques, les opérations historiographiques et les pratiques créatrices.

Les nouveaux espaces du contemporain

Il s’agit de déplacer les représentations essentiellement historiques et historiographiques du contemporain vers ses enjeux spatiaux, géographiques et institutionnels, en articulant le local et le global. Entre textualisation de l’espace et spatialisation du texte, cette réflexion prend acte d’un tournant spatial de la culture, déjà largement documenté (M. Collot, B. Westphal), pour saisir de manière décentrée et plurielle l’émergence de nouveaux régimes d’historicité de la création littéraire. Contre une conception uniforme du contemporain, il s’agit de montrer comment s’inventent des contemporanéités spécifiques selon les aires culturelles et linguistiques, non sans dialogue, circulation ou tension.

Ces espaces, ce sont aussi les espaces de publication et de circulation de la littérature : non seulement les livres, mais aussi les espaces parcourus lors de la création (notamment dans le cas des reportages littéraires), les trajectoires de traduction, les emprunts au discours social (journal, document), les décentrements géopolitiques au sein des espaces francophones et les lieux institutionnels où la littérature s’incarne (performances, résidences, rencontres). C’est là un intérêt accru aujourd’hui pour les ancrages territoriaux (M. Labbé) et les terrains de la littérature (D. Viart), en réfléchissant aux formes de communautés qui s’inventent et au renouvellement des stratégies mémorielles situées. Sont analysés les espaces institutionnels de la littérature, en réfléchissant à ce qui s’invente de nos jours (lectures publiques), comme à ce qui est remis en question (les prix littéraires, prescriptions médiatiques).

L’équipe mène aussi une réflexion sur les formes de spatialisation de la littérature, notamment dans ses recompositions numériques, avec des modes de structuration alternative à la page : importance des éclatements de l’espace de la page, par multiplication de notes infra-paginales, de manchettes, d’inserts. Cette extension des possibilités plastiques du livre va de pair avec une place accrue de la remobilisation des documents, des archives et des photographies, en pensant le livre ou la page comme un dispositif (muséal, déambulatoire).

Implications auctoriales, entre polémiques et postures

Si refluent aujourd’hui les modes d’engagement de l’écrivain, accusés de surplomb, de discours prophétique ou pédagogique, il s’agit d’analyser au contraire des formes horizontales de relations nouées avec son lecteur et ses publics. C’est cette émergence de nouvelles modalités d’articulation de l’écrivain avec le discours social qu’il s’agit de saisir dans une ambition tout à la fois archéologique et cartographique.

D’une part, il s’agit d’étudier, à la suite de réflexions menées antérieurement sur les écritures polémiques (cf. Pamphlet, utopie, manifeste, 1997), les enjeux pragmatiques de la littérature : accuser, dénoncer, provoquer, dans des espaces où l’enjeu politique est particulièrement central. Est privilégiée une approche énonciative (la scène polémique), qui s’intéresse aux mises en scènes et à leur inscription dans une temporalité (le scénario polémique), pour analyser transpositions, réénonciations et conflits d'énonciation à l'œuvre dans la traduction (notamment dans les préfaces ou notes). Une telle réflexion amène à réfléchir aux manières dont la littérature peut faire scandale, selon une perspective historique, dans le mouvement de la publication ou la dynamique de sa médiatisation.

D’autre part, à la suite des travaux de Jérôme Meizoz sur la posture, il s’agit d’étudier à la charnière du texte et de son dehors les modes de constitution des figures auctoriales, pour comprendre les interactions entre les scénographies auctoriales (médiatiques, universitaires) et les implications sociales des écrivains. Car lors des polémiques et des scandales, les écrivains mobilisent souvent en toute conscience des postures médiatiques, pour s’affirmer sur la scène littéraire, tout en se défaussant de toute responsabilité juridique (cf. M. Houellebecq). Cette analyse empruntera aussi bien à la méthodologie des analyses du discours médiatique et de la fabrique iconique, que des analyses plus spécifiquement stylistiques dans la continuité des propositions de Ruth Amossy ou Dominique Maingueneau, pour montrer que les choix linguistiques ou génériques sont tout autant une façon d’« entrer en scène », selon la formule de Paul Valéry.

Publié le 15 janvier 2021

Mis à jour le 29 mars 2024