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Mutos, une action-recherche sur l'oralité narrative

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Quand deux enseignants-chercheurs racontent leur approche du récit oral et ses enjeux anthropologiques au travers de multiples applications dans la Société…

Mutos est une action-recherche sur l’oralité narrative menée depuis 2013 par deux enseignants-chercheurs qui ont longtemps pratiqué la narratologie littéraire : François Gramusset (LITT&ARTS – composante ISA) et Laurence Garino-Abel (CERHIUS-ILCEA4).

Points de départ théoriques

Dès le début du XXe siècle (1914-1918), et plus rapidement avec la télématique dans le dernier quart du XXe siècle, la pratique narrative orale qui se déploie dans la présence dite « physique » s’est brutalement raréfiée. Sur ce sujet, Walter Benjamin a écrit un essai marquant, Der Erzähler. Pour Benjamin, la raréfaction du récit oral s’est lentement opérée au profit de l’information d’une part et du roman d’autre part, jusqu’à la crise globale de la culture européenne issue de la Grande Guerre. L’élaboration collaborative et dialogale de l’expérience transmissible est devenue problématique (voir Giorgio Agamben lisant et développant Benjamin, dans Enfance et Histoire. Dépérissement de l’expérience et origine de l’histoire), alors même que les compétences de réception/consommation de récits spectaculaires se développaient (Guy Debord, La Société du spectacle).

Aujourd’hui la pratique populaire et ordinaire du récit oral est redécouverte et les sociétés contemporaines d’Europe de l’Ouest prennent conscience de ses enjeux anthropologiques considérables. Mais son exercice au XXIe siècle exige des conditions nouvelles : temporalité, verbalité, relations, postures subjectives et intersubjectives... Notre hypothèse est que la pratique du récit oral ordinaire déstabilise les lieux communs contemporains et répond à plusieurs aspects de la crise sociale, et qu’elle offre aujourd’hui, à condition d’être réinventée, de multiples applications d’une efficacité insoupçonnée, révélant en retour l’impensé contemporain du langage automatisé ou bien affectivisé (pépiant : twitting).

Les étapes de nos pratiques et avancées depuis 2013

  • 2013-2014. En collaboration avec deux artistes, une conteuse, Claudie Rajon (Grenoble) et une chorégraphe, Colette Priou (Grenoble), et avec deux professeures des écoles, Isabelle Malago et Anne Wantellet (École Élémentaire Ampère de Grenoble), nous avons travaillé sur la mémoire et sur le corps dans l’énonciation du récit oral (filmage et analyse de performances d’élèves de CP et de CM2) ;
  • 2014-2015. Nous avons travaillé, en collaboration avec un plasticien, Eduardo Abarca (graphiste et photographe à Barcelone), sur le jeu et la coopération narrative : conception graphique, élaboration et expérimentation filmée du Loto Mutos, jeu destiné à l’invention/écoute/partage de récits collectifs en petits groupes d’élèves de CP et de CM2. La journée d’étude sur le récit oral et ses applications, « Théoriser, pratiquer, faire pratiquer l’oralité narrative », organisée le 11 mars 2015 à l'université Stendhal-Grenoble 3, a été une réussite et sera mise en ligne sous peu ;
  • 2015-2016. Nous travaillons sur la mémoire, la sociabilité et la compétence verbale avec les personnes âgées de l’EPHA Saint-Bruno, en collaboration avec l’équipe de gestion, de soins et d’accompagnement.
L’une de nos préoccupations est également d’identifier, cerner et acquérir nous-mêmes ces compétences nouvelles pour les transmettre (professionnalisation des masters notamment) dans des domaines variés :
  • innovation éducative par la compétence narrative qui facilite la saisie globale des énoncés : initiation précoce aux langues étrangères par le récit oral ; perfectionnement de la pratique orale pour des étudiants avancés ; remédiation langagière ;
  • enseignement de l’histoire et du territoire par la mise en récit et la création de personnages-types : la mise en intrigue favorise la mémorisation des faits historiques et des mouvements dans l’espace géographique ;
  • valorisation du patrimoine : formation au récit oral pour des interprètes-accompagnateurs capables de mettre en récits un itinéraire (l’itinéraire est jalonné de micro-récits à base de culture locale, contes, chansons, modes de vie, économie et histoire régionales, flore, faune, etc.) pour des publics étrangers de toutes langues ;
  • animation culturelle : formation des animateurs du temps périscolaire aux jeux éducatifs ;
  • accompagnement personnel : développer son CV par la mise en récit des compétences et de l’expérience personnelle, en français ou en langue étrangère ;
  • industrie des jeux : développement de jeux créatifs (version française ou étrangère) ciblés sur des publics spécifiques.
D’ores et déjà, des étudiants de Master LLCER Études romanes participent à cette action-recherche sous forme de stages réinvestis dans leurs mémoires de recherche. Cette action-recherche donne également matière à un séminaire de Master assuré par LITT&ARTS – composante ISA.

Par l’acte de raconter (le dire) et par le raconté lui-même (le dit), le récitant et la communauté d’auditeurs constituent leur propre histoire et contribuent à la formaliser. Ainsi le récit témoigne-t-il d’un rapport au monde (sensoriel, spatial, cognitif, social, …), au langage, à la créativité. En tant que geste poétique et en tant que mode de relation il participe activement à une transmission de la culture commune comme valeur, c’est-à-dire à la constitution d’un patrimoine vivant.

Contact

fr.gramussetatnumericable.fr (François Gramusset)
laurence.garino-abelatu-grenoble3.fr (Laurence Garino-Abel)

Publié le 26 mai 2021

Mis à jour le 26 mai 2021