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Axe 2 - Programme 3 Réception de corpus d’auteur ou de genre
Ce projet vise à mettre en lumière le rôle de l’imaginaire dans les processus de constitution et de réception des genres.
Objectifs
Les approches contemporaines des genres littéraires ont, comme on le sait, considérablement renouvelé et déplacé l’appréhension de leur objet. Il ne s’agit plus de considérer les genres comme des ensembles de propriétés stables, ni d’établir des taxinomies savantes. L’attention s’est portée sur leur mode d’existence et leurs effets pragmatiques. Le statut qu’on leur accorde est celui de « généralités intermédiaires » (A. Compagnon), ils agissent comme des « prismes » (M. Macé et R. Baroni), leur rôle est médiateur. Ils concourent à former l’horizon d’attente des lecteurs, participent à leur expérience réceptive, leur permettent de s’approprier les œuvres singulières. Ils interviennent, de manière similaire, dans les processus de création, et produisent, entre sujets lisant et sujets écrivant, des représentations (plus ou moins) communes qui orientent la compréhension et l’interprétation des textes singuliers.
La subjectivité est donc un élément essentiel de l’existence des genres. Elle ne peut manquer d’être gagnée par l’imaginaire, et l’on peut supposer que celui-ci, qui investit discours et représentations, joue un rôle, probablement sous-estimé, dans la constitution de ces horizons d’attente génériques ; qu’il est, par conséquent, un vecteur important de la communication littéraire. Son rôle dans les processus cognitifs n’étant plus à démontrer, on avancera également qu’il est l’un des modes de connaissance en jeu dans la généricité.
L’objectif de la réflexion commune est dès lors de s’interroger sur les différentes manières dont l’imaginaire intervient dans la constitution, la perception des genres littéraires (ou artistiques). Par imaginaire, on désignera un mode de rapport d’un sujet à un objet qui soit énonçable en termes d’images – on pourra prendre ce dernier mot dans tous ses sens : image comme représentation mentale, informée, à des degrés divers, par la mémoire, par le rêve, la rêverie ou le fantasme, mais aussi comme figure de rhétorique, ou encore, le cas échéant, comme image visuelle. On insistera, de même, sur le fait que les représentations en jeu dans ce rapport sont à la fois personnelles et sociales, les unes et les autres ne pouvant guère se penser comme disjointes, nos imaginaires individuels se construisant également dans ce que Castoriadis a appelé le « social-historique ».
On pourra ainsi se demander comment l’imaginaire intervient dans l’activité de modélisation des genres, dans la construction de leur filiation, dans la formation d’axiologies, dans leur pratique (genrée, par exemple), ou encore comment il contribue à la recherche de positionnements dans le champ littéraire…
Cet imaginaire des genres sera à considérer, en outre, sous son aspect pluriel : ce sont des imaginaires, qui, de fait, interfèrent, s’hybrident ou entrent en conflit dans la pratique et l’expérience génériques. Ainsi, les imaginaires auctoriaux, lectoriaux, éditoriaux en jeu dans la généricité peuvent, dans certains cas, entrer en concurrence, voire diverger. Ainsi, les imaginaires génériques se nourrissent souvent d’imaginaires médiatiques « allogènes », détachés des genres liés à leur medium d’origine : l’imaginaire du roman, par exemple, se trouve volontiers imprégné d’un imaginaire musical (M. Tournier, J. M. G. Le Clézio, P. Quignard…) ou cinématographique (Tanguy Viel). Ces imaginaires génériques sont, par ailleurs, susceptibles de varier selon les contextes culturels ou linguistiques : le cas des œuvres traduites, ou migrant d’un univers culturel à un autre, peut porter témoignage de ces confrontations d’imaginaires ou de leurs croisements. Ajoutons que les imaginaires singuliers viennent parfois s’affronter aux imaginaires collectifs ou entrer, avec eux, en dialogue. Prêter attention à la circulation, l’entrelacs et la concurrence de ces imaginaires sera une manière d’approcher la vie des formes (ici, celle des genres), dans leur mobilité permanente…
La mobilité des formes s’appréhende aussi dans le temps. Les imaginaires génériques sont évidemment datés, à l’instar des discours et imaginaires sociaux qui produisent les genres. Ainsi, comme l’a souligné Matthieu Letourneux (2016), nos discours et nos imaginaires contemporains nous font rassembler dans la catégorie du « roman d’anticipation » des œuvres fictionnelles de la fin du XIXe siècle qui, au moment de leur apparition, se rattachaient à des ensembles génériques différents (le roman philosophique, ou le roman d’aventures fantastiques), et nous conduisent à les lire à travers le prisme du merveilleux scientifique, en oubliant que d’autres imaginaires les imprégnaient à leur époque, tel l’imaginaire spirite (Gautier, Villiers). Aborder les genres, littéraires ou artistiques, sous l’angle de leur imaginaire sera ainsi un moyen de penser leur historicité, et une contribution aux réflexions d’une poétique historique.
Ces quelques directions de recherche ne prétendent pas épuiser le sujet…
Résultat
Le projet « L’imaginaire des genres » est le résultat d'une collaboration entre l'UMR Litt&Arts de l'UGA (Chantal Massol, Delphine Gleizes) et le laboratoire Figura de l'UQAM, Université du Québec à Montréal (Véronique Cnockaert).
Il a été réalisé en deux temps :
– une journée d'étude préparatoire, « L'imaginaire des genres », qui s'est tenue à l'UGA le 5 juin 2019 ;
– un colloque international qui devait se tenir à l'UQAM les 28 et 29 mai 2020, et s'est trouvé annulé in extremis en raison de la situation sanitaire du moment (situation causée par la pandémie de Covid 19).
La collaboration a donc pris la forme d'un ouvrage collectif, auquel ont participé des enseignants-chercheurs, doctorants ou post-doctorants de dix universités différentes, six d’entre eux étant rattachés à des universités canadiennes. Six membres de Litt&Arts y ont collaboré (Agathe Salha, Pascale Roux, Delphine Gleizes, Camille Page [doctorante], Adrien Cavallaro, Chantal Massol). Cet ouvrage, élaboré entre 2020 et 2022, a été publié en octobre 2024 : L'Imaginaire des genres, Chantal Massol (dir.), Presses universitaires de Rennes, coll. « La Licorne », 302 p.
L’ouvrage vise à mettre en lumière le rôle, sans doute sous-estimé, de l'imaginaire dans les processus de constitution et de réception des genres. Omniprésent, sous toutes ses formes, dans leur représentation et dans celle de leur relation, il assure, comme cela ressort des études réunies, une triple fonction : modélisatrice, axiologique, créatrice. Il investit les dynamiques génériques – aussi bien qu'inter, ou trans-génériques – et médiatise les relations d'intermédialité. Il est, de fait, pluriel, et ce sont très souvent des interférences, des hybridations ou des conflits d'imaginaires que l'on observe dans la pratique (voire le refus) des genres. Dans cette perspective, ces derniers sont approchés dans leur existence effective, leur mobilité permanente, leur historicité.
> Consulter l'introduction et la table des matières
Coordination
Responsable
Chantal Massol
Axe porteur
Axe 2 « Traduction, transmission, réception des textes littéraires »
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