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Correspondances de Diogène de Sinope et de Cratès de Thèbes

Centre TRANSLATIO

Ce projet consiste en la préparation d’un ouvrage destiné à être publié dans la collection « Textes et traditions » (dirigée par Marie-Odile Goulet-Cazé, Richard Goulet et Philippe Hoffmann), aux éditions Vrin. Il s'agira d'une édition du texte amendée (avec apparat critique), suivie d'une traduction française et d'un commentaire.

Les correspondances apocryphes de Diogène de Sinope et Cratès de Thèbes constituent une source non négligeable pour notre connaissance du mouvement cynique à l’époque impériale. Si l’on en juge par la quantité de manuscrits qui nous l’ont transmis, ce corpus devait être relativement populaire (notamment en ce qui concerne les lettres de Diogène). Mais il n’est pas unifié : W. Capelle a démontré dès 1896 (dans sa thèse De cynicorum epistulis, dirigée par Wilamowitz) que ces lettres ne sauraient être l’œuvre d’un auteur unique, même si, à partir d’un examen du style et du contenu, on pouvait identifier plusieurs groupes homogènes, attribuables à un même auteur ou, en tout cas, à une même origine. De fait, il est plus que vraisemblable que les lettres qui nous sont parvenues ne sont qu’un florilège, forgé à partir d’un corpus qu’on doit supposer bien plus vaste : on trouve en effet chez certains auteurs (Epictète et Julien, notamment) des allusions ou des références à des lettres de Diogène qui, de toute évidence, ne font pas partie de celles qui sont en notre possession, et Diogène Laërce évoque en VI 98 un volume de lettres de Cratès, « où il philosophe excellemment, dans un style qui, parfois, ressemble à celui de Platon » - or, quel que soit le jugement qu’on porte sur les qualités stylistiques des lettres de Cratès qui nous sont parvenues, force est de reconnaître (la critique est d’ailleurs unanime sur ce point) qu’elles n’évoquent en rien le style platonicien. Il convient d’ajouter que ce florilège lui-même est problématique : la majorité des manuscrits ne transmettent que les lettres 1-29 (sur 51) de Diogène et 1-14 (sur 36) de Cratès – seuls quelques manuscrits contiennent l’ensemble des lettres de Diogène (sauf la lettre 51), et aucun ne contient toutes les lettres de Cratès.

Les premières études consacrées aux lettres de Diogène et de Cratès ont été pour la plupart publiées à la fin du XIXème siècle en Allemagne, à la suite de l’édition des Epistolographi graeci de Rudolf Hercher, en 1873 (signalons toutefois le travail de Jean François Boissonade, qui donna en 1814 la première édition critique des lettres 30-51 de Diogène et, en 1827, celle des lettres 15-36 de Cratès). En 1879, Jacob Bernays consacra une note de son Lucian und die Kyniker à la lettre 28 de Diogène, qu’il rapprochait de la lettre 7 d’Héraclite, et attribuait, comme cette dernière, à un auteur juif ou chrétien. Quatre ans plus tard, Johann Friedrich Marcks consacra une partie de sa thèse, qui portait sur l’ensemble du corpus des épistolographes grecs de l’édition Hercher (Symbola critica ad epistolographos Graecos, Diss. Bonn, 1883), aux « lettres des cyniques », en s’intéressant principalement à la question de leur datation. Entre 1880 et 1890 furent publiés un certain nombre d’articles, qui s’attachaient principalement à suggérer des corrections du texte de l’édition de Hercher. Heinrich Schafstaedt (De Diogenis epistulis, Diss. Göttingen, 1892) étudia quant à lui la tradition manuscrite des lettres de Diogène (et les relations de dépendance qu’il identifia entre les principaux manuscrits sont encore admises aujourd’hui).

La première étude entièrement consacrée aux lettres de Diogène et de Cratès, et la plus souvent citée au cours du XXe siècle, est celle, déjà évoquée plus haut, de Wilhelm Capelle, en 1896. En 1899, Alessandro Olivieri publia deux travaux sur ces lettres (« Le epistole del Pseudo-Cratete », Rivista di filologia e d’iztruzione classica, Anno XXVII, Turin, 1899, pp. 406-421 ; « Le epistole attribuite a Diogene », Ricerche letterarie sui Cinici, Bologne, 1899, pp. 68-110), dont le projet était « di colmare la lacuna che trovasi nello studio dello scolaro del Wilamowitz (sc. Capelle) ». L’étude d’A. Olivieri sur les lettres de Cratès est l’une des dernières qui leur ait été entièrement consacrée.

Au début du XXe (1926), Kurt von Fritz étudia, dans la deuxième partie de ses Quellen-Untersuchungen zu Leben und Philosophie des Diogenes von Sinope, les lettres de Diogène, plus particulièrement celles qu’il appelait les « longues lettres » (lettres 29-40), marquées selon lui par des influences socratiques. Il faudra ensuite attendre 1968 pour voir paraître de nouveau une étude de détail, sur les lettres de Diogène seulement (Victor-Eugène Emeljanow, The Letters of Diogenes, Diss. Stanford, 1967, Microfilm, 1968).

Le regain d’intérêt dont bénéficia le cynisme à partir du milieu des années 1970 ne profita guère aux lettres de Diogène et de Cratès, qui restèrent confinées aux marges de la recherche dans ce domaine (il est significatif de remarquer que Léonce Paquet, notamment, dans son ouvrage Les cyniques grecs : Fragments et témoignages, Montreal, 1975, ne cite à aucun moment les Lettres de Diogène et Cratès). On signalera principalement, pour cette période, l’ouvrage publié sous la direction d’Abraham J. Malherbe (The Cynic Epistles. A Study Edition, Society of Biblical Literature. Sources for Biblical Studies 12, Missoula (Montana), 1977) qui envisage ces lettres surtout du point de vue de l’épistolographie, en en proposant une traduction anglaise fondée sur le texte établi par Hercher, avec le projet de « rendre accessibles ces textes négligés », et de « stimuler la recherche dans ce domaine ». Il convient également de signaler et de saluer l’« édition » des lettres par G. Giannantoni, d’abord dans ses Socraticorum Reliquiae (vol. 2, Naples, 1983, pp. 605-646 pour Diogène et pp. 743-757 pour Cratès) puis dans ses Socratis et Socraticorum reliquiae (vol. 2, coll. « Elenchos » 18, Napoli, 1990, pp. 423-464 pour Diogène et pp. 561-576 pour Cratès), qui présente la grande utilité de rassembler en notes, pour chaque lettre, toutes les références aux études mentionnées ci-dessus, ainsi qu’un apparat critique relativement fiable et complet. Ici encore, il ne s’agit pas à proprement parler d’une édition, puisque le texte imprimé est celui de Hercher. L’apparat critique rend compte toutefois des corrections ou conjectures proposées par les commentateurs postérieurs à celui-ci.

Il faut attendre 1994 pour que paraisse une nouvelle édition critique de ces lettres, celle d’Eike Müseler, sous la direction de Martin Sicherl (Die Kynikerbriefe, Studien zur Geschichte und Kultur des Altertums, 2 vol., Paderborn, 1994), dont le premier volume analyse la tradition textuelle et établit le stemma, tandis que le second présente le texte grec édité avec une traduction allemande en regard. Les textes ne sont pas commentés.

Comme on peut le constater, il n’existe jusqu’à présent aucune publication scientifique récente qui présenterait à la fois le texte, la traduction et le commentaire de ces lettres, ce qui, de notre point de vue, et de celui de la communauté scientifique travaillant sur le cynisme, constitue une lacune, que le projet de publication de ces correspondances vise à combler.

Il proposera une édition du texte amendée (avec apparat critique), accompagnée d’une traduction française et d’un commentaire, aux éditions Vrin, dans la collection « Textes et traditions » dirigée par Marie-Odile Goulet-Cazé, Richard Goulet et Philippe Hoffmann.

Les premières études consacrées aux lettres de Diogène et de Cratès ont été pour la plupart publiées à la fin du XIXème siècle en Allemagne, à la suite de l’édition desEpistolographi graeci de Rudolf Hercher, en 1873 (signalons toutefois le travail de Jean François Boissonade, qui donna en 1814 la première édition critique des lettres 30-51 de Diogène et, en 1827, celle des lettres 15-36 de Cratès). En 1879, Jacob Bernays consacra une note de son Lucian und die Kyniker à la lettre 28 de Diogène, qu’il rapprochait de la lettre 7 d’Héraclite, et attribuait, comme cette dernière, à un auteur juif ou chrétien. Quatre ans plus tard, Johann Friedrich Marcks consacra une partie de sa thèse, qui portait sur l’ensemble du corpus des épistolographes grecs de l’édition Hercher (Symbola critica ad epistolographos Graecos, Diss. Bonn, 1883), aux « lettres des cyniques », en s’intéressant principalement à la question de leur datation. Entre 1880 et 1890 furent publiés un certain nombre d’articles, qui s’attachaient principalement à suggérer des corrections du texte de l’édition de Hercher. Heinrich Schafstaedt (De Diogenis epistulis, Diss. Göttingen, 1892) étudia quant à lui la tradition manuscrite des lettres de Diogène (et les relations de dépendance qu’il identifia entre les principaux manuscrits sont encore admises aujourd’hui).
La première étude entièrement consacrée aux lettres de Diogène et de Cratès, et la plus souvent citée au cours du XXe siècle, est celle, déjà évoquée plus haut, de Wilhelm Capelle, en 1896. En 1899, Alessandro Olivieri publia deux travaux sur ces lettres (« Le epistole del Pseudo-Cratete », Rivista di filologia e d’iztruzione classica, Anno XXVII, Turin, 1899, pp. 406-421 ; « Le epistole attribuite a Diogene », Ricerche letterarie sui Cinici, Bologne, 1899, pp. 68-110), dont le projet était « di colmare la lacuna che trovasi nello studio dello scolaro del Wilamowitz (sc. Capelle) ». L’étude d’A. Olivieri sur les lettres de Cratès est l’une des dernières qui leur ait été entièrement consacrée.

Au début du XXème (1926), Kurt von Fritz étudia, dans la deuxième partie de ses Quellen-Untersuchungen zu Leben und Philosophie des Diogenes von Sinope, les lettres de Diogène, plus particulièrement celles qu’il appelait les « longues lettres » (lettres 29-40), marquées selon lui par des influences socratiques. Il faudra ensuite attendre 1968 pour voir paraître de nouveau une étude de détail, sur les lettres de Diogène seulement (Victor-Eugène Emeljanow, The Letters of Diogenes, Diss. Stanford, 1967, Microfilm, 1968).

Le regain d’intérêt dont bénéficia le cynisme à partir du milieu des années 1970 ne profita guère aux lettres de Diogène et de Cratès, qui restèrent confinées aux marges de la recherche dans ce domaine (il est significatif de remarquer que Léonce Paquet, notamment, dans son ouvrage Les cyniques grecs : Fragments et témoignages, Montreal, 1975, ne cite à aucun moment les Lettres de Diogène et Cratès). On signalera principalement, pour cette période, l’ouvrage publié sous la direction d’Abraham J. Malherbe (The Cynic Epistles. A Study Edition, Society of Biblical Literature. Sources for Biblical Studies 12, Missoula (Montana), 1977) qui envisage ces lettres surtout du point de vue de l’épistolographie, en en proposant une traduction anglaise fondée sur le texte établi par Hercher, avec le projet de « rendre accessibles ces textes négligés », et de « stimuler la recherche dans ce domaine ». Il convient également de signaler et de saluer l’« édition » des lettres par G. Giannantoni, d’abord dans ses Socraticorum Reliquiae (vol. 2, Naples, 1983, pp. 605-646 pour Diogène et pp. 743-757 pour Cratès) puis dans ses Socratis et Socraticorum reliquiae (vol. 2, coll. « Elenchos » 18, Napoli, 1990, pp. 423-464 pour Diogène et pp. 561-576 pour Cratès), qui présente la grande utilité de rassembler en notes, pour chaque lettre, toutes les références aux études mentionnées ci-dessus, ainsi qu’un apparat critique relativement fiable et complet. Ici encore, il ne s’agit pas à proprement parler d’une édition, puisque le texte imprimé est celui de Hercher. L’apparat critique rend compte toutefois des corrections ou conjectures proposées par les commentateurs postérieurs à celui-ci.

Il faut attendre 1994 pour que paraisse une nouvelle édition critique de ces lettres, celle d’Eike Müseler, sous la direction de Martin Sicherl (Die Kynikerbriefe, Studien zur Geschichte und Kultur des Altertums, 2 vol., Paderborn, 1994), dont le premier volume analyse la tradition textuelle et établit le stemma, tandis que le second présente le texte grec édité avec une traduction allemande en regard. Les textes ne sont pas commentés.

Il se trouve que cette thèse parut durant la période où j’étais moi-même engagé dans la production d’une thèse dont le sujet était similaire : proposer une nouvelle édition critique, avec traduction et commentaire, des Lettres de Diogène et Cratès. Autant dire que sa parution me coupa un peu l’herbe sous le pied, et je dus me résoudre à revoir mes ambitions à la baisse : je proposerais donc un commentaire du corpus, accompagné du texte grec révisé et annoté, et d’une traduction française.

Comme, néanmoins, j’avais déjà collationné quelques manuscrits (dont le plus ancien, le Palatinus gr. 398, considéré par Marcks comme optimus, et indépendant de la tradition desrecentiores), je pus constater que l’apparat critique de Müseler comportait un certain nombre d’erreurs, qui laissaient penser que sa collation n’était pas aussi fiable qu’une édition critique allemande le laisserait penser. Certains choix d’édition me parurent, également, n’être pas toujours pertinents, et la traduction parfois peu claire. Dès lors, mon travail de révision du texte ne m’apparut plus si superfétatoire que j’aurais pu le croire.

Pour revenir au présent, le projet de publication de ces correspondances, proposant une édition du texte amendée (avec apparat critique), accompagnée d’une traduction et d’un commentaire, aux éditions Vrin, dans la collection « Textes et traditions » dirigée par Marie-Odile Goulet-Cazé (qui présidait mon jury de thèse, et qui est à l’origine de ce projet), Richard Goulet et Philippe Hoffmann, vise à rendre accessible une partie négligée des sources de notre connaissance du cynisme antique.

Coordination

Responsable
Frédéric Junqua

Centre porteur
TRANSLATIO

Publié le 16 mars 2021

Mis à jour le 29 septembre 2023