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L'éthique de l'Ancien stoïcisme

une réévaluation méthodologique, philologique et philosophique des sources dans les Stoicorum Veterum Fragmenta

Il s'agit de proposer une réévaluation méthodologique, philologique et philosophique des sources sur l'éthique dans les Stoicorum Veterum Fragmenta, recueil de 1903-1905 sur lequel se fonde notre connaissance de l'Ancien stoïcisme. En proposant la première traduction française commentée d'une de ses sources majeures, Stobée, en la confrontant avec Diogène Laërce et Cicéron, on peut en dégager la singularité terminologique et conceptuelle et mieux cerner l'apport de Chrysippe en matière éthique.

L'intérêt porté à l'éthique stoïcienne ne s'est jamais démenti jusqu'à l'époque contemporaine, depuis la fondation du Portique par Zénon de Citium à l'époque hellénistique, vers 300 avant J.-C. Sa pensée, qui faisait profondément écho au mos maiorum, s'est acclimatée au monde romain, à son langage et à sa culture, dès le IIe siècle avant notre ère, au point d'y devenir la philosophie dominante sous le Haut-Empire, incarnée par des personnages aussi puissants que Sénèque et Marc Aurèle. Dès la fin de l'Antiquité cependant, la connaissance de l'enseignement éthique des Stoïciens fait l'objet d'un paradoxe. Celui-ci est en effet diffus, à la fois largement répandu et délayé, privé de netteté, ce qui a principalement trait à la forme fragmentaire sous laquelle il est transmis depuis les Ve-VIe siècles, suite à la fermeture de leurs écoles, à la dispersion de leurs bibliothèques et à la disparition des derniers exemplaires d'ouvrages exposant ces doctrines. Aussi les chercheurs n'ont-ils accès aujourd'hui à l'ensemble des enseignements éthiques de l'Ancien Portique (IIIe-IIe s. avant J.-C.), dispensés par Zénon puis par ses disciples Cléanthe d'Assos et Chrysippe de Soles, que par l'intermédiaire d'un recueil de fragments établi en 1903-1905 par le philologue allemand Hans von Arnim. Les Stoicorum Veterum Fragmenta (ou SVF) consistent en trois volumes, complétés par un index daté de 1924. Le premier est consacré à Zénon (333-262 av. J.-C.) et à son successeur Cléanthe (310-230 av. J.-C.), le deuxième aux textes logiques et physiques de Chrysippe (281(?)/277(?)-208(?) av. J.-C.), considéré comme le second fondateur du Portique ; le troisième volume contient quant à lui les fragments éthiques de Chrysippe ainsi que les textes de ses disciples et successeurs.
            Quelque précieux que soit encore le recueil des SVF pour tous les spécialistes de la philosophie hellénistique, il ne laisse pas de présenter de graves limites qu'il convient d'examiner, puis de corriger, autant que possible, en se concentrant sur les doctrines éthiques de Chrysippe, dont l'influence sur son école fut si forte que l'on disait que sans lui, il n'y aurait pas de Portique.  Limites méthodologiques tout d'abord, car sont sujets à caution à la fois l'attribution de certains fragments à Chrysippe selon une démarche décrite dans la préface aux SVF, et l'ordonnancement général des fragments sur l'éthique dans le volume III du recueil ; limites philologiques ensuite, en raison d'un établissement déficient du texte des sources et de l'absence de contextualisation des fragments ; limites philosophiques enfin, du fait de l'absence de traduction ou de commentaire des fragments et d'un choix des sources susceptible d'améliorations, marqué notamment par un recours excessif à Philon d'Alexandrie et par l'omission d'extraits de Cicéron, Quintilien, Plutarque, Sextus Empiricus ou encore Épictète.
            Ce projet vise à proposer pour la première fois une version non seulement rénovée et actualisée, mais aussi plus rigoureuse et plus précise, de la pensée éthique de Chrysippe, à travers la refonte d'une partie du volume III des SVF(autrement dit, 200 pages de la collection Teubner) qui nous livre accès à ses sources. Grâce à elle, il sera possible de mieux cerner la spécificité de cette période de l'école face à ses développements à l'époque impériale, que d'éminents chercheurs tels que P. Hadot et M. Foucault ont mise en lumière au risque d'y percevoir l'origine de théories (sur la conception du sujet, la volonté ou la persuasion) déjà sous-jacentes dans l'Ancien Portique. Il s'agira aussi de préciser l'apport de Chrysippe en matière éthique en le distinguant, le cas échéant, de celui de Zénon, alors même que nous ne possédons qu'une infirme fraction de la production de ces philosophes (si l'on songe aux plus de sept cent cinq ouvrages rédigés par Chrysippe). 
            À cet égard, l'enquête méthodologique que je compte mener sur les SVF constitue le préalable indispensable à une rénovation rigoureuse de ce recueil : il s'agira donc du premier axe de mon projet. Il ouvrira la voie à une réévaluation philologique et scientifique de l'ensemble des sources de l'éthique chrysippéenne. Un second axe portera sur l'examen approfondi de la principale d'entre elles, en raison de son caractère fondamental et paradoxalement méconnu : la doxographie stoïcienne incluse au chapitre II, 7, § 5-12 de l'Anthologie de Stobée, dont sera proposée la première traduction intégrale en français, appuyée sur une nouvelle édition par Tiziano Dorandi et accompagnée d'un long commentaire suivi. Elle comprendra également un double parallèle : d'une part, avec les doxographies éthiques comprises au livre III du De Finibus de Cicéron ainsi qu'au livre VII des Vies et doctrines des philosophes illustres de Diogène Laërce (§ 84-131), consacré au stoïcisme ; d'autre part, avec la doxographie éthique péripatéticienne incluse au chapitre II, 7, 13-26 de l'Anthologie de Stobée.
            Tout travail sur le corpus des SVF sollicitant par nature l'expertise de spécialistes d'époques et d'écoles philosophiques très diverses, mon projet s'inscrit dans un réseau de collaborations à chacune de ses étapes, qui prendront les formes suivantes : la publication de deux ouvrages (une traduction de la doxographie éthique stoïcienne de Stobée accompagnée d'un commentaire, ainsi qu'une monographie proposant un nouveau recueil des fragments éthiques de Chrysippe) ; la rédaction d'articles sur l'éthique stoïcienne ; l'organisation de trois colloques internationaux (sur les doxographies éthiques de Stobée ; sur les critères de sélection et l'exploitation des textes-sources dans le domaine de l'éthique vétéro-stoïcienne ; sur Philon d'Alexandrie et le stoïcisme) dont les actes seront également publiés ; la tenue de deux séminaires de recherche ;l'élaboration d'un site internet rassemblant les textes doctrinaux de l'Ancien Portique sur l'éthique, annotés et accompagnés d'une traduction en français.

Coordination

Responsable
Sophie Aubert-Baillot

Centre porteur
TRANSLATIO

Publié le 26 mars 2021

Mis à jour le 29 septembre 2023