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MUSES - Mémoires et USagES des œuvres littéraires

Axe 2, Recherche

Ce projet, par sa dimension à la fois généraliste et réflexive, a vocation à fédérer les chercheur·es de Litt&Arts qui s’intéressent aux questions de réception et à s’ouvrir à des collaborations au sein et au-delà de l'UGA.

Argument général

Ce programme naît d’un double constat : d’une part les études de réception occupent une place considérable dans le champ actuel des études littéraires, d’autre part leur théorisation et leur terminologie a été relativement peu renouvelée depuis l’émergence, à la suite des travaux de Hans Robert Jauss, de ce terme très englobant, pour recouvrir des termes jugés plus impressionnistes (« influence », « fortunes », etc.).
Si un consensus existe sur l’inflation des études de réception, leur part, leur poids, leur place et leur sens demandent à être évalués plus finement. Il s’agit d’en comprendre les raisons, en grande partie liées au tournant historique des études littéraires, et d’aborder frontalement une question délicate que posent Stéphane Zékian et Thierry Roger dans leur introduction au récent dossier « Accuser réception » : « S’intéresser à l’histoire des gestes critiques et des modes de lecture, n’est-ce pas un indice d’épuisement pour des champs disciplinaires n’ayant d’autre objet que leur propre histoire[1] ? » Tout en gardant ces interrogations et suspicions sur ce « musée des lectures » en arrière-plan du projet, il s’agira plutôt pour nous d’examiner les pratiques des études de réception, qui sont d’une grande diversité, souvent expliquées et justifiées dans les introductions de tel ou tel ouvrage, mais rarement considérées dans leur ensemble et confrontées. Nous voudrions donc procéder de manière inductive, en partant des différents cas exposés par des intervenants qui travaillent tous dans ce champ, mais avec des objets et des méthodes parfois bien différentes, pour élaborer un ensemble d’outils critiques.

On pourra retenir en premier lieu, parmi ces interrogations sur les pratiques, celles qui touchent à la définition des corpus : les études de réception n’interfèrent-elles pas nécessairement avec d’autres champs, celui des études culturelles et celui de l’intermédialité ?
Certaines études de réception se fixent un horizon strictement littéraire, et le but sera alors surtout d’évaluer des questions relatives à la définition du canon. Cela étant, même dans ce cadre relativement strict, la question de la délimitation du corpus n’en reste pas moins complexe : s’agit-il de proposer des focalisations sur de « grands » noms ou au contraire de brouiller la distinction entre majores et minores et d’évaluer de manière plus diffuse la présence d’un auteur et la façon dont il est lu ou dont il donne l’impulsion à des motifs ou à des formes ? S’agit-il de privilégier le « quantitatif » ou le « qualitatif » ? Dans un cas comme dans l’autre, les questions sont nombreuses : comment apprécier le « qualitatif », quels critères précéderont à sa sélection ? Comment conférer au corpus de réception étudié une dignité critique égale à celle de l’œuvre ou des œuvres reçues ? Comment fixer des bornes à une exhaustivité qui ne peut être qu’une ligne asymptotique ? La question est d’autant plus complexe que l’empan temporel est large et que l’étude est diachronique.
Le plus souvent pourtant, les études de réception ne restent pas cantonnées à un unique champ artistique et s’intéressent précisément aux processus de transposition, d’adaptation, d’hybridation — c’est-à-dire à la dimension intermédiale de la réception. Celle-ci embrassera la question des adaptations théâtrales et cinématographiques, domaines qui semblent moins faire usage de cette catégorie que les études littéraires, et qui permettent de réfléchir au périmètre des études de réception.
Se pose enfin une question comparatiste essentielle : comment délimiter des aires culturelles de réception cohérentes ? Au moment du « tournant mondial » des études littéraires (mais aussi bien historiques), comment garder ensemble rigueur philologique et élargissement de l’empan, alors même que les processus de traduction et de transferts culturels sont précisément l’objet des études de réception ? Comment articuler recherche collective (indispensable car aucun chercheur ne couvre toutes les langues et toutes les aires culturelles, et la recherche individuelle risque de perpétuer la surexposition des champs mieux connus, dominants, par rapport à ceux de langues moins étudiées) et approche surplombante et synthétique (pour éviter de simples juxtapositions, alors que l’intérêt est précisément celui de la circulation des réceptions). 

Par sa dimension à la fois généraliste (au sens d’une approche générale et théorique) et réflexive, ce projet a vocation à fédérer les chercheurs de Litt&Arts qui s’intéressent aux questions de réception et à s’ouvrir à des collaborations avec d’autres centres de l’UGA (ainsi lors de la première journée d’étude, l’ILCEA) et bien évidemment au-delà, en France et à l’étranger, avec une forte dimension internationale (un colloque organisé à Rome et un colloque à l’UGA rassemblant beaucoup de chercheurs étrangers, notamment des États-Unis et du Canada.)

Programme synthétique des manifestations et publications 

  1. Deux journées d’étude (4 avril 2022 et 8 décembre 2022)
    Les textes de ces journées seront rassemblés et soumis à la revue Textes et travaux de l’UGA.
  2. Un séminaire pendant 2 ans, à partir de la rentrée 2022
    Environ 4 ou 5 séances annuelles, parfois avec deux intervenants pour permettre un dialogue.
  3. Deux colloques internationaux en 2023 :
    – Colloque « La légende des poètes », org. A. Cavallaro et A. Schellino à Rome, en avril 2023.
    – Colloque « Le rimbaldisme aux confins du monde », org. A. Cavallero et D. Rumeau, en mai 2023.
    Ces colloques donneront lieu à des publications.
  4. ​Publications
    Outre les trois publications issues des journées d’étude et colloques mentionnées en 1. et 3., une monographie de D. Rumeau, Comrade Whitman. An Internationalist Reception, manuscrit à remettre fin 2022 (Boston, Academic Studies Press).

[1] Dossier « Accuser réception », S. Zékian et T. Roger (dir.), 2021 (en ligne) ; voir aussi pour un point critique et réflexif, L. Arnoux-Farnoux et A.-R. Hermetet (dir.), Questions de réception, Poétiques comparatistes, Nîmes, Lucie Édition, 2009.

Publié le 15 décembre 2022

Mis à jour le 29 septembre 2023