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Conférence / Recherche
On 27 June 2022
Communication de Malika Bastin (Professeure de langue et littératures grecques, TRANSLATIO) dans le cadre des séances ordinaires publiques de l’Académie des sciences morales et politiques, consacrées cette année au thème “Sauver ?”.
L’Occident a cessé de penser en grec depuis la fin de l’Antiquité – tandis que le latin est resté la langue de pensée jusqu’au XVIe voire XIXe siècle. Le grec a toutefois fait un retour en Occident au XVe siècle, retour partiel et fragile, toujours menacé, mais défendu avec des arguments divers qui perdurent aujourd’hui. De qui, de quoi faudrait-il sauver les humanités, les études classiques et en particulier le grec ?
L’histoire du grec et de son enseignement en France commence véritablement au XVIe siècle, avec des humanistes comme Guillaume Budé qui s’efforce de promouvoir son enseignement, dans le contexte d’un engouement européen pour la redécouverte de l’Antiquité. Cette période de l’institutionnalisation des études grecques s’accompagne d’une prolifération de discours en leur faveur, dont ceux notamment de Forteguerri. Les arguments, dont certains sont toujours présents aujourd’hui, sont les suivants : la langue grecque est particulièrement apte à l’éloquence, la philosophie est fille des Grecs, toute bonne poésie vient du grec, les mathématiques, la médecine, le droit et la théologie supposent que l’on sache le grec, enfin, le grec serait une langue facile. Ces arguments seront repris au fil du temps et insistent sur l’utilité du grec. Toutefois cet argument de l’utilité sera bientôt retourné : il faut défendre le grec parce qu’il ne sert à rien, en tout cas à rien d’immédiat.
L’enseignement du grec et du latin s’installe mais les deux langues ne sont pas à égalité : le latin est la langue du savoir tandis que le grec est pensé au mieux comme un plus pour mieux comprendre l’Antiquité latine, et au pire, comme la langue de l’hérésie, défendue par les réformés pour des raisons religieuses. Au XVIIIe siècle, Rollin apporte un nouvel argument en faveur du grec : celui du voyage et du dépaysement que procure l’apprentissage du grec. Faire du grec, c’est voyager dans le temps, donc se décentrer, se dépayser. Au XIXe et XXe siècles, le grec devient une option dans l’enseignement secondaire en France, ce qui va enfermer les défenseurs du grec dans une attitude défensive et conservatrice, jusqu’aux années 1970 et l’évolution promue et incarnée par Jacqueline de Romilly. Pour elle, le grec, au-delà de la discipline et de la patience qu’il requiert, est un terreau culturel pour fonder une culture commune, un facteur d’intégration sociale qui permet une connaissance des origines de la culture européenne et même méditerranéenne. Au vu des chiffres au baccalauréat ou à l’agrégation et au CAPES, qui contredisent l’appétence du grand public pour la culture de l’Antiquité, la question reste entière : à quoi sert l’enseignement du grec en France aujourd’hui ? qui sert le grec et qui se sert du grec ancien aujourd’hui ?
Date
15h00
Localisation
Institut de France
Grande salle des séances
23 quai de Conti
75006 Paris
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