Littérature d’anticipation et Humanités Numériques

Par la multiplicité de ses désignations, la diversité des supports éditoriaux et des publics visés, la variété de ses orientations esthétiques, la littérature d’anticipation constitue un exemple particulièrement riche pour analyser les mécanismes de construction d’un genre littéraire. Comme pour tout autre genre littéraire, les critères de reconnaissance du genre (voire les termes choisis pour le nommer) sont éminemment variables en fonction des instances concernées : auteurs, éditeurs, critiques, lectorat. On peut notamment distinguer d’une part des critères externes d’identification du genre, comme les caractéristiques des supports de publication (éditeurs spécialisés, collections spécifiques), la réception critique (mise en avant de termes stratégiquement choisis pour désigner le genre, sélection de grands auteurs comme figures tutélaires du genre, pratiques de légitimation par la création de prix littéraires). D’autre part, on peut repérer les traits communs du genre à travers des critères internes aux œuvres : des thématiques spécifiques (voyages réalisés à l’aide de machines extraordinaires, dangers des sciences, projection dans le futur), des structures narratives caractéristiques, des personnages types (ingénieur, journaliste, scientifique, explorateur), ou des traits stylistiques (usage des néologismes, place de la description). Quels que soient les critères choisis, on constate à la fois un effet de reconnaissance de caractéristiques communes des œuvres d’anticipation, bien relevées par la critique et les lecteurs, et en même temps un mouvement d’étoilement, les auteurs explorant des directions nettement divergentes.

Le colloque « Littérature d’anticipation et Humanités Numériques » se propose de confronter trois méthodologies s’appuyant sur les Humanités Numériques pour mettre en évidence les caractéristiques de la littérature d’anticipation que chacune de ces approches fait apparaître. Il s’appuiera donc sur les trois outils suivants :
 

• la base de données « Anticipation » avec les visualisations produites à partir des résultats des requêtes formulées sur son moteur de recherche avancée ;
• la « Générothèque Numapresse » : apprentissage automatique de classification des genres élaboré par Pierre-Carl Langlais dans le cadre de l’ANR Numapresse ;
• le « Lexicoscope », outil d’exploration linguistique, lexicologique et morphosyntaxique de corpus, produit par le LiDiLEM à l’Université Grenoble Alpes.

L’enjeu sera non seulement d’aboutir à une meilleure connaissance de l’anticipation et à une analyse fine de certains de ses traits génériques, mais aussi d’utiliser l’anticipation comme un « corpus test » pour adopter une approche réflexive sur les apports et les biais des Humanités Numériques.

La première journée du colloque débutera ainsi avec une session axée sur les méthodologies. Chaque outil numérique sera présenté à travers ses modalités de fonctionnement, les corpus sur lesquels il s’appuie, en fournissant des exemples des résultats qu’il permet d’obtenir, en pointant les éventuelles difficultés de sa mise en œuvre ainsi que les biais inévitables (ou éventuellement corrigeables) lié à cette méthodologie. Le projet est donc d’ouvrir le colloque avec un regard réflexif sur la mobilisation des différentes approches d’Humanités Numériques mises en œuvre, en débattant de leurs atouts et de leurs limites, avant d’entrer dans le détail de leurs applications, dans les communications qui suivront.

Chaque communication présentée lors du colloque pourra donc choisir de mobiliser l’un de ces outils ou d’étudier directement un corpus de textes d’anticipation pour analyser une caractéristique du genre ou une thématique donnée. L’objectif est d’observer les recoupements et les divergences de caractérisation de la littérature d’anticipation que ces études de cas feront apparaître. En diachronie, on pourra s’intéresser aux différentes périodisations du genre en fonction de l’objet de la communication. En synchronie, on pourra repérer des caractéristiques dominantes, analyser en détail des sous-corpus d’anticipation en fonction des supports, des thématiques (par exemple les romans de guerre future, les romans de monde perdu ou les récits de fin du monde).

Ce colloque est conçu dans le cadre d’une collaboration entre l’ANR Numapresse (pôle IHRIM), le projet « PhraséoAnticipation » porté par l'UMR Litt&Arts et le LiDiLEM (Université Grenoble Alpes), et l’ANR Anticipation.

Modalités

Les propositions de communication (environ 2 000 signes) sont à envoyer pour le 15 décembre 2022 à delphine.gleizesuniv-grenoble-alpes.fr (Delphine Gleizes) et claire.barel-moisanens-lyon.fr (Claire Barel-Moisan).