La faim comme élément déclencheur du récit dans le Roman de Renart

L'historien Jacques Le Goff a défini le Roman de Renart (RdR) comme « épopée de la faim et de la ruse » ; la faim peut être analysée du point de vue narratif comme un état de manque qui génère une crise, laquelle crise exige pour sa résolution un déplacement et une quête. Ce schéma simple (manque - quête - effacement du manque) intervient dans l'univers spécifique du RdR, qui n'est ni celui du merveilleux, ni celui du fantastique, mais qui est l'univers de la fantaisie générée par la « double appartenance » des personnages.

Dans un premier temps on examinera les récits du RdR (les « branches ») pour lesquels la faim agit comme un déclencheur (moteur initial) du récit ; cet état de crise affecte majoritairement le héros éponyme, quelquefois un autre personnage et le récit peut aussi démarrer avec le choc de deux faims.

Puis on examinera les cas où la crise n'agit pas comme élément qui lance le récit, mais comme moteur de relance du récit (menacé de blocage et d'extinction).

Enfin on s'intéressera aux différentes modalités de résolution de la crise par appropriation (totale, partielle ou nulle) et éventuellement consommation de la nourriture convoitée ; ces modalités de résolution de la crise sont évidemment partie prenante dans le jeu sur la double isotopie des personnages (double isotopie qui crée la fantaisie typiquement renardienne) : la résolution de la crise initiale devient tout au long du récit à la fois instrument et indice de la métamorphose illusoire des personnages renardiens !