Villiers de l’Isle-Adam : le théâtre et la musique

Les dispositions musicales de Villiers ont été abondamment soulignées par ses contemporains : pianiste doué, mélomane passionné, voire chanteur à l’occasion, il s’est essayé à des mélodies sur des poèmes de Baudelaire – en particulier « La Mort des amants ». On sait peut-être moins qu’il s’est livré à des esquisses de composition de musiques de scène, pour Le Nouveau Monde et pour Axël notamment. À cet égard, la rencontre de sa jeunesse avec Wagner et l’expérience du théâtre d’« art total » ont été décisives au point que, pour le reste de sa vie, Villiers ne cessera de voir en lui « le Dieu de la musique moderne » et « le grand inspiré de la musique universelle ».

Mais au-delà de la place de la musique comme un thème ou un motif, et surtout peut-être comme un idéal de la parole et du style, il faut considérer l’imaginaire musical qui sous-tend l’œuvre théâtrale dans son ensemble, la musique jouant cette fois le rôle d’un véritable principe poétique dont la voix est l’accomplissement rêvé.

Enfin, on ne saurait négliger les compositeurs qui ont mis en musique des textes de Villiers, que ce soit de son vivant (Ernest Chausson, Alexandre Georges, Victor Loret, Auguste Coédès…), ou après sa mort (Gabriel Fauré, Pierre de Bréville…). Certaines pièces et des récits ont également fait l’objet d’adaptations opératiques ou musicales au XIX^e et au XX^e siècles : Armande de Polignac, Morgane, livret Jean Madic ; Luigi dalla Piccola, Il Prigioniero (d’après « La Torture par l’espérance ») ; Serge Nigg, Visages d’Axël…

Cette journée d’étude prolonge les travaux actuellement menés par une équipe de chercheur·euses, sous la direction de Bertrand Vibert, en vue de la publication d’une nouvelle édition scientifique du Théâtre complet de Villiers de l’Isle-Adam (qui compte déjà 2 volumes publiés chez Classiques Garnier), dont une édition collective d’Axël sera le terme et l’accomplissement. Il s’agit dès lors d’interroger plus spécifiquement le projet théâtral villiérien à l’aune de cet attrait essentiel pour la musique, en prenant en compte les intentions explicites du dramaturge, la réalité de ses collaborations avec des compositeurs identifiés, enfin les partitions existantes.

En privilégiant des perspectives génétiques et scéniques éclairant le théâtre de Villiers – mais en ne se privant d’aucune incursion dans l’ensemble de son œuvre poétique et romanesque – on réinterrogera les conceptions « villiériennes » de la musique au théâtre, la question de leur originalité par rapport aux pratiques existantes de la musique de scène, enfin le contexte de la création des œuvres et de leurs réalisations scéniques.