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Soutenance / Recherche
On 3 July 2018
Saint-Martin-d'Hères - Domaine universitaire
La notion d'institution totale appliquée aux relations anthropozoologiques. Ethnographies et analyse sociologique de centres de recherche en primatologie
Résumé
Par notre thèse de doctorat en sociologie – ayant pour objet l'expérimentation sur les singes –, nous souhaitons participer aux recherches sur les relations anthropozoologiques en sciences humaines. Le travail que nous proposons porte précisément sur les interactions entre professionnels et singes impliqués dans des expérimentations animales ou des études scientifiques (biomédicales, psychologiques, éthologiques, etc.). Pour tâcher de comprendre ces rencontres humanimales, nous avons réalisé un long travail ethnographique – avec un recueil de données qualitatives – mené dans différents centres d'études en France et en Afrique centrale. La stratégie méthodologique choisie a été celle de la grounded theory afin que ce soit le terrain qui dessine et redessine nos appuis théoriques et nos outils de travail. Un aller-retour permanent s'est ainsi opéré entre la collecte des données et l'analyse. Il est ainsi apparu qu'un travail comparatiste apporterait peu de résultats à notre interprétation sociologique. Et cela malgré l'apparente hétérogénéité des terrains : comportant des conceptions professionnelles variées de l'expérimentation animale, et des particularités culturelles. Au contraire, c'est une grille d’intelligibilité commune aux professionnels et aux singes de tous nos terrains qui nous a semblé constituer le modèle explicatif le plus convaincant. À la condition d'accepter au préalable les deux propositions suivantes : 1. considérer les primates non humains comme des acteurs ; 2. et appréhender les lieux d'expérimentation animale comme des institutions – au sens sociologique du terme –, c'est-à-dire comprenant des structures amenant une certaine prévisibilité comportementale et relationnelle entre les acteurs, accompagnées de jeux de justifications et de rationalisation.
Une fois ces questions discutées, nous pouvons avancer le concept d'institution totale pour comprendre la vie institutionnelle des centres de primatologie. Cet idéal-type – appliqué à un hôpital psychiatrique états-unien à la fin des années 1960 par Erving Goffman – présente les structures organisationnelles suivantes : un endroit fermé ; soumis à un système bureaucratique et administratif qui règle la vie de tous ses membres ; où se rencontrent deux groupes : des surveillants, travaillant dans ce lieu, et prenant en charge un autre groupe : les reclus (internés/cloîtrés/incarcérés/hospitalisés, etc.), vivant et ne sortant pas de cet espace. À partir de cette description organisationnelle et cette approche institutionnelle, nous arrivons à apporter des connaissances sur la nature des relations possibles entre singes et professionnels, mais aussi sur la manière dont vivent les singes reclus qui sont enfermés et coupés de leur champ social ; aux procédés avec lesquels ces derniers arrivent à créer et entretenir (ou non) du lien social. Notre regard sociologique nous permet d'évaluer la force de l'emprise de l'institution sur eux, et d'interroger leur capacité à résister au rôle de cobaye qui leur est incombé. Nous proposons aussi des éléments de réponses sur la normalisation des conduites et des émotions des professionnels. La notion d'institution totale permet d'évoquer tout ce qui se rapporte aux contradictions institutionnelles et de prendre du recul par rapport au savoir légitime institutionnel (dans l'étude d'Erving Goffman – Asiles – il s'agit de la psychiatrie, dans la nôtre de la biologie et de l'éthologie) se traduisant, en premier lieu, par un changement de vocabulaire et de catégories. L'approche goffmanienne nous invite – d'autre part – à ne pas imposer au lecteur de jugement subjectif, moral et normatif. En conséquences de toutes ces raisons, dans notre étude, le babouin n'est plus un Papio papio mais un singe reclus, et on ne trouve ni expériences sadiques, ni encore d'avancées médicales. Enfin, si l'utilisation de ce concept goffmanien paraît risquée, elle n'est pas naïve : théorisé dans les années 1960, il a eu le temps d'être éprouvé. Plus encore, loin de voir ici un problème, nous profitons du travail des chercheurs qui ont su en questionner les limites théoriques et méthodologiques. D'autant plus que le but de notre recherche n'est pas d'en faire une application directe, mais de l'adapter, de l'ajuster, et de l'enrichir de notre terrain avec pour principale volonté de réussir le pari théoricopratique d'appliquer un concept sociologique à des animaux (non humains).
Composition du jury
Par notre thèse de doctorat en sociologie – ayant pour objet l'expérimentation sur les singes –, nous souhaitons participer aux recherches sur les relations anthropozoologiques en sciences humaines. Le travail que nous proposons porte précisément sur les interactions entre professionnels et singes impliqués dans des expérimentations animales ou des études scientifiques (biomédicales, psychologiques, éthologiques, etc.). Pour tâcher de comprendre ces rencontres humanimales, nous avons réalisé un long travail ethnographique – avec un recueil de données qualitatives – mené dans différents centres d'études en France et en Afrique centrale. La stratégie méthodologique choisie a été celle de la grounded theory afin que ce soit le terrain qui dessine et redessine nos appuis théoriques et nos outils de travail. Un aller-retour permanent s'est ainsi opéré entre la collecte des données et l'analyse. Il est ainsi apparu qu'un travail comparatiste apporterait peu de résultats à notre interprétation sociologique. Et cela malgré l'apparente hétérogénéité des terrains : comportant des conceptions professionnelles variées de l'expérimentation animale, et des particularités culturelles. Au contraire, c'est une grille d’intelligibilité commune aux professionnels et aux singes de tous nos terrains qui nous a semblé constituer le modèle explicatif le plus convaincant. À la condition d'accepter au préalable les deux propositions suivantes : 1. considérer les primates non humains comme des acteurs ; 2. et appréhender les lieux d'expérimentation animale comme des institutions – au sens sociologique du terme –, c'est-à-dire comprenant des structures amenant une certaine prévisibilité comportementale et relationnelle entre les acteurs, accompagnées de jeux de justifications et de rationalisation.
Une fois ces questions discutées, nous pouvons avancer le concept d'institution totale pour comprendre la vie institutionnelle des centres de primatologie. Cet idéal-type – appliqué à un hôpital psychiatrique états-unien à la fin des années 1960 par Erving Goffman – présente les structures organisationnelles suivantes : un endroit fermé ; soumis à un système bureaucratique et administratif qui règle la vie de tous ses membres ; où se rencontrent deux groupes : des surveillants, travaillant dans ce lieu, et prenant en charge un autre groupe : les reclus (internés/cloîtrés/incarcérés/hospitalisés, etc.), vivant et ne sortant pas de cet espace. À partir de cette description organisationnelle et cette approche institutionnelle, nous arrivons à apporter des connaissances sur la nature des relations possibles entre singes et professionnels, mais aussi sur la manière dont vivent les singes reclus qui sont enfermés et coupés de leur champ social ; aux procédés avec lesquels ces derniers arrivent à créer et entretenir (ou non) du lien social. Notre regard sociologique nous permet d'évaluer la force de l'emprise de l'institution sur eux, et d'interroger leur capacité à résister au rôle de cobaye qui leur est incombé. Nous proposons aussi des éléments de réponses sur la normalisation des conduites et des émotions des professionnels. La notion d'institution totale permet d'évoquer tout ce qui se rapporte aux contradictions institutionnelles et de prendre du recul par rapport au savoir légitime institutionnel (dans l'étude d'Erving Goffman – Asiles – il s'agit de la psychiatrie, dans la nôtre de la biologie et de l'éthologie) se traduisant, en premier lieu, par un changement de vocabulaire et de catégories. L'approche goffmanienne nous invite – d'autre part – à ne pas imposer au lecteur de jugement subjectif, moral et normatif. En conséquences de toutes ces raisons, dans notre étude, le babouin n'est plus un Papio papio mais un singe reclus, et on ne trouve ni expériences sadiques, ni encore d'avancées médicales. Enfin, si l'utilisation de ce concept goffmanien paraît risquée, elle n'est pas naïve : théorisé dans les années 1960, il a eu le temps d'être éprouvé. Plus encore, loin de voir ici un problème, nous profitons du travail des chercheurs qui ont su en questionner les limites théoriques et méthodologiques. D'autant plus que le but de notre recherche n'est pas d'en faire une application directe, mais de l'adapter, de l'ajuster, et de l'enrichir de notre terrain avec pour principale volonté de réussir le pari théoricopratique d'appliquer un concept sociologique à des animaux (non humains).
Composition du jury
Florent Gaudez (Professeur, Université Grenoble Alpes, directeur de thèse) ; Jean-Louis Fabiani (Directeur d’études à l’EHESS-Paris & Professeur à Central European University [CEU-Budapest], rapporteur) ; Bruno Péquignot (Professeur émérite, Université Sorbonne Nouvelle - Paris 3, rapporteur) ; Jeffrey A. Halley (Full Professor, UTSA [USA], examinateur) ; Catherine Rémy (Chargée de recherche, CNRS-EHESS, examinatrice) ; Corinne Rostaing (Maître de conférences HDR, Université Lyon 2, examinatrice) ; Véronique Servais (Professeur, Université de Liège [Belgique], examinatrice).
Date
On 3 July 2018
Complément date
14h00
Localisation
Saint-Martin-d'Hères - Domaine universitaire
Complément lieu
Salle des Actes (bât. Z rdc)
Bâtiment Stendhal
Bâtiment Stendhal
Directeur de thèse
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