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Recherche
Textes, commentaires, traductions, notes, scholies anciennes et ajouts personnels : établir des liens à l'aide d'outils informatiques, telle est l'ambition de ce projet porté par la composante Translatio.
Le projet « Vers une édition digitale du commentaire à l’Iliade de Manuel Moschopoulos », porté par Françoise Létoublon (LITT&ARTS, composante Translatio), Christian Boitet et Thomas Lebarbé (LIDILEM), et Hervé Blanchon (LIG), a fait partie des projets retenus lors de l’AAP MSH-Alpes 2015, ce qui lui permet de s’ouvrir à des collaborations internationales.
Il consiste en un travail de mise en ligne du commentaire de Manuel Moschopoulos aux deux premiers chants de l’Iliade. L’ouvrage, imprimé en 1719, fait partie de nos collections. La référence complète est Man. Moschopuli Byzantini Scholia ad Homeri Iliados librum I et II; adhuc inedita [cum textu Homeri, versione latina] notis et animadversionibus Joannis Scherperzeelii; accedit commentarius Joachimi Camerarii [et eiusdem Iliados primi et secundi libri conversi in latinos versus].
Le texte numérisé se trouve déjà dans la Bibliothèque numérique, mais la numérisation sous forme d’image, même d’excellente qualité, ne permet pas une bonne utilisation du document par les chercheurs. Il n’est d’ailleurs pas indexé par les bibliothèques numériques françaises, lacune qu’une collaboration internationale devrait pouvoir combler. Le travail en cours dans le cadre du projet MSH nous a déjà permis de passer au format PDF, et donc de pouvoir effectuer des recherche en texte intégral. Il s’agit maintenant de procéder à une océrisation fine pour le grec et le latin, les deux langues utilisées dans l’ouvrage, grâce à des outils dont nous ne disposons pas à Grenoble pour le moment. Il est probable que la solution passe par la technique du tree banking, supposant une infrastructure internationale plus importante (équipe en Digital Humanities à Leipzig dirigée par le Pr G. Crane, et Homer Multitext à Washington dirigée par les Pr N. Smith, L. Muellner et G. Nagy) : l’objectif étant de figurer entre autres parmi les projets associés dans le cadre du Open Greek and Latin Project.
L’ouvrage réunit d’une manière originale plusieurs œuvres différentes, d’auteurs divers et remontant à des époques différentes :
- deux chants de l’Iliade d'Homère (œuvre difficile à situer dans le temps, entre le IXe et le VIe siècle av. J.-C. selon les divers spécialistes ; l’auteur est tout aussi controversé) ;
- un commentaire dû au savant byzantin Manuel Moschopoulos (élaboré à Byzance sous la dynastie des Paléologues), initialement sous forme manuscrite ;
- l’édition de cette œuvre par un savant (flamand ?) du XVIIe siècle, Johannis Scherpezeel, qui a ajouté le commentaire de Joachim Camerarius, un autre érudit européen, probablement germanophone, du XVIe siècle. Les langues utilisées sont le grec (celui d’Homère étant assez différent de celui des scholiastes, ce qui rend la lecture parfois délicate) et le latin pour Scherpezeel et Camerarius. Avec l’aide de l’ordinateur, nous proposerons une traduction en français soumise à la vérification des spécialistes.
Notre édition datée de 1719 (en chiffres romains difficiles à lire) vient d’un imprimeur rhénan, Jacob van Poolsum, Utrecht (Trajecti ad Rhenum). La page de titre et le contenu peuvent donner lieu à d’intéressants commentaires du point de vue de l’histoire du livre, de l’imprimerie, des couleurs (rouge et noir en l’occurrence), des marques d’imprimerie, etc.
Une fois cette première étape bien engagée grâce à la collaboration de l’équipe des Digital Humanities, nous pourrons envisager de remontrer de l’imprimé au manuscrit de Moschopoulos avec la collaboration de l’université de Patras (Evfrosia Noussia) et de Jean-Fabrice Nardelli (Marseille). L’importance de notre ouvrage pour l’histoire du livre est essentielle, car il permet de montrer comment la culture a évolué depuis l’Antiquité : l’Iliade a probablement été composée oralement, puis notée par écrit à une époque difficile à déterminer, et transmise ensuite par l’intermédiaire de rouleaux de papyrus, dont subsistent de nombreux fragments. La forme du livre que nous connaissons nous vient des manuscrits médiévaux, appelés du nom latin codex. Dans de nombreux manuscrits, des commentaires ont été notés dans les marges, parfois tout autour du texte primaire. Ces commentaires sont appelés scholies d’après leur nom grec. Après l’invention de l’imprimerie, les éditeurs modernes ont quelquefois cherché à reproduire les scholies avec le texte qu’elles commentaient, et la solution la plus simple était d’essayer de reproduire la mise en pages des manuscrits ou de l’adapter aux pages d’imprimerie. L’ouvrage ici en question a suivi cette évolution : Moschopoulos, dans le cadre savant de Byzance, disposait de manuscrits antérieurs qui ont dû servir de base pour son propre manuscrit, recopié ensuite par des moines dans les scriptoria.
Outre le fait qu’il est exempt de droits, l’ouvrage – qui n’a jamais été réédité et n’a été jusqu’à présent numérisé que dans le cadre de notre projet – présente un intérêt certain pour la petite communauté des spécialistes d’Homère et de la culture grecque byzantine, les spécialistes de l’histoire du livre et de l’écriture, les informaticiens, par la diversité des problèmes que sa structuration pose à l’analyse et pour une présentation judicieuse et accessible sur le web.
Le schéma reproduit ci-dessus ne montre qu’une partie de la complexité du travail : en plus des liens à établir entre le texte grec et les commentaires en grec, la traduction latine, les notes en latin et en grec, tels que le schéma les montre, il faudrait aussi créer des liens entre les différentes parties du texte et les commentaires, et entre les commentaires dus à Moschopoulos et ceux dus à Camerarius, présentés dans une deuxième partie du livre avec une nouvelle pagination. Ce travail pourrait être rendu possible grâce à la participation à l'équipe de Christiane Louette, spécialiste du XVIe siècle. Les liens hypertextuels pourraient permettre de présenter simultanément ou alternativement divers passages. Nous devrions par exemple pouvoir visualiser un passage et sa traduction (latine/française, ou dans une autre langue européenne moderne), ou le même passage et ses commentaires (scholies en grec, notes en latin par son éditeur Scherpezeel, commentaire latin de Camerarius).
L'objectif pour 2016-2018 est donc d’établir des collaborations internationales pour une océrisation qui permette, par l’intermédiaire du langage TEI-XML :
- une consultation en ligne fiable avec affichage par exemple des notes ou des scholies seules, ou d’une partie du texte avec les commentaires qui le concernent ;
- le travail sur les versions multilingues du texte (traduction assistée par ordinateur du grec et du latin en français et d’autres langues européennes).
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