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Recherche
Depuis le 1er octobre 2019, l’UMR Litt&Arts compte parmi ses membres permanents Ellen Delvallée, chargée de recherche CNRS. C’est un exercice particulièrement difficile que de résumer en quelques lignes son parcours brillant et international. Fort heureusement, son curriculum vitae parle de lui-même.
Élève à l’ENS de Lyon de 2009 à 2013, Ellen obtient l’agrégation de lettres modernes en 2012. Allocatrice monitrice à Grenoble jusqu’en 2015, elle est ensuite Graduate Fellow à l’université de Rutgers, puis ATER à l’ESPE de Caen. ATER à l’UGA de 2018 à 2019, elle est officiellement promue chargée de recherche le 1er octobre 2019.
Quelques dates phares avant d’entrer dans le vif de sa recherche
2015 : Lauréate de l’Excellence Fellowship for study in French à Rutgers University
2016 : Lauréate de la Andrew W. Mellon Dissertation Completion Fellowship à Rutgers University
2017 : Premier prix au concours d’essai Lockwood du département de Français de Rutgers University pour l’essai intitulé « Sport, autobiographie et écriture dans W ou le souvenir d’enfance et Je me souviens de Perec »
2017 : Doctorat de l’Université Grenoble Alpes et Ph.D. de Rutgers University
2018 : Prix de thèse du Collège des Écoles Doctorales de l’Université Grenoble Alpes pour sa thèse intitulée Poétiques de la filiation. Clément Marot et ses maîtres : Jean Marot, Jean Lemaire et Guillaume Cretin
Un vide dans l’histoire littéraire française : les années 1470-1530
Quatre questions à Ellen Delvallée
1. Pourquoi avoir axé votre objet de recherche sur une période peu marquée dans l’histoire littéraire française ?
Mon programme de recherche, de très long terme, vise à mettre en pleine lumière une période de l’histoire littéraire amplement négligée par la critique, et qui s’étend pourtant sur soixante années. La période commence avec l’arrivée de l’imprimerie en France, en 1470 : un événement qui marque aux yeux des historiens la fin du Moyen Âge. Elle s’achève dans les années 1530, avec la génération Marot, tenue désormais pour l’initiatrice de la Renaissance française. Ces soixante années constituent un vide dans l’histoire littéraire française, non seulement parce qu’elles sont situées à la frontière entre deux siècles, mais aussi parce qu’elles se tiennent entre deux périodes : le Moyen Âge et la Renaissance. Or, les années 1470-1530 sont un moment de mutations profondes et progressives, que la conception actuelle de l’histoire littéraire, structurée par l’idée de révolutions successives, a tendance à réduire à un basculement sans épaisseur. Son délaissement est accru dans les études universitaires françaises, dans la mesure où celles-ci sont définies par une répartition séculaire. Faute de postes qui ne soient ni médiévistes ni renaissants, mais entre les deux, la période demeure largement invisible aux chercheurs français – d’où mon séjour de deux années aux États-Unis, où les études littéraires sont moins soumises à ces cloisonnements institutionnels.
2. Quelles sont ces mutations profondes et progressives dont vous parlez qui ont marqué précisément ces soixante années ?
Les années 1470-1530 sont caractérisées par une série de transformations majeures des pratiques littéraires. L’arrivée de l’imprimerie a provoqué un bouleversement culturel de grande ampleur, comparable à celui suscité par le développement d’Internet entre les XXe et XXIe siècles. Dans les deux cas, les pratiques de lecture et d’écriture n’ont pas été subitement transformées : ainsi, dans les années 1470-1530, la diffusion manuscrite des œuvres côtoie encore la diffusion imprimée. Cette coexistence permet de réfléchir à l’impact de cette nouvelle technique sur la littérature. Cela suppose aussi de donner de la visibilité à des auteurs par hypothèse méconnus car leurs pratiques littéraires ne correspondent pas à ce que la critique connaît – et reconnaît – du Moyen Âge ou de la Renaissance.
3. Comment allez-vous procéder pour rendre visibles ces auteurs toujours méconnus par la critique ?
Je vais mobiliser différentes approches : histoire du livre, réexamen des genres littéraires, rhétorique. Je m’intéresserai d’une part à la bibliographie matérielle de ces œuvres, qui ont circulé sous forme manuscrite ou imprimée, de façon plus ou moins contrôlée par les auteurs. Des critiques du monde anglophone ont déjà montré à quel point les différents modes de diffusion des œuvres en transformaient le contenu et je souhaite poursuivre dans cette direction. D’un point de vue formel, ce qui m’interpelle est que les frontières des genres poétiques se déplacent, les valeurs du vers évoluent, le rapport entre vérité historique et fiction allégorique est continuellement repensé avant que leurs chemins ne finissent par se séparer. Enfin, je m’appuierai constamment sur une analyse rhétorique, conforme à la formation que les auteurs des années 1470-1530 recevaient, mais dont l’usage n’est encore guère développé, en France, sauf à l’UGA…
4. Si vous deviez résumer l’objectif visé par votre programme de recherche ?
Mon projet ne consiste pas seulement à étudier les années 1470-1530, mais à les rendre plus propres à être étudiées. Il s’agit de fédérer dans la durée une communauté de chercheurs, en constituant 1470-1530 en véritable champ littéraire et critique : il s’agit de rendre visibles ces années-là, de les structurer, de fournir les outils pour les comprendre. Une telle entreprise peut modifier profondément les représentations qui entourent cette période culturelle mais aussi, de façon plus générale, l’idée même d’histoire littéraire.
> Vous souhaitez en savoir plus ? Son curriculum vitae vous dira tout !
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